Nuages

Le grade master, quel doux rêve pour notre profession. Et de ci, de là, quelques indices laissent penser que le dossier du grade master est en mouvement. Si il n’y a aucun doute à ce que le grade master nous apporte de grandes choses, il n’en est pas moins inquiétant de suivre comment cela pourrait être organisé.

Laissez-moi donc vous présenter quelques points importants.

 

Le rêve ultime

Dans un monde parfait, nous pourrions obtenir la création d’un master de masso-kinésithérapie obtenu à l’issue de nos 4 années de formation et de l’année de PACES.

Aucun changement d’organisation, pas d’années en plus ou de validation supplémentaire. Juste une « conversion » de notre diplôme d’état (DE) en Master de masso-kinésithérapie.

Voilà l’idéal…

 

Pourquoi nous n’obtiendrons jamais le master de kinésithérapie ?

La réponse tient en un seul mot… L’argent.

En effet, si nous convertissons simplement notre DE en Master, il faudra alors rémunérer les professionnels à la hauteur de leur niveau d’étude.

Pour les libéraux, rien ne changera car la majorité sont conventionnés et sont donc liés par contrat avec l’UNCAM.

Par contre croyez vous que l’on puisse décemment payer un kinésithérapeute salarié 1200€ par mois avec un grade master ?

Avez vous ce qu’il en couterait à l’état de reclasser et donc de rémunérer l’ensemble des kinésithérapeutes salariés promus au grade master ?

Une petite bagatelle de 90 millions d’euros par an. Trois fois rien ! Surtout quand on connait les modes d'attribution des budgets au sein de l'ONDAM (à lire ici)

Voilà pourquoi nous n’aurons jamais une « équivalence » DE-Master. Le coût en serait trop important pour l’état.

Sans compter que si nous accédons au Master, les autres professions paramédicales vont oeuvrer pour obtenir la même chose, ce qui serait tout à fait légitime.

Le coup global serait alors nettement plus élevé.

 

Quel sont les autres possibilités

  • Les masters non spécifiques

C’est la solution actuelle. Certaines facultés proposent aux kinésithérapeutes d’intégrer différents master en complément de notre formation initiale.

C’est une solution bancale car cela reste à la discrétion des universités et ce n’est pas une solution pérenne car cela ne valorise pas notre profession.

  • Le master d’ingénieur en santé option kinésithérapie

Comme avancé plus haut, au registre de « toutes les profession paramédicales sont dans le même lot », une alternative intéressante au master de kinésithérapie serait un « grand » master global à l’ensemble des profession paramédicales. Et au sein de celui-ci des options. Soins infirmiers, Masso-kinésithérapie, orthophonie…

La réelle difficulté étant l’organisation intrinsèque de ce master. Car si l’on converti le DE en Master d’ingénieur en santé, nous retombons sur la même problématique du « vrai » master de kinésithérapie.

Il y a donc fort à craindre que cette solution en l’espèce ne voit pas le jour. D'autant que les récentes annonces concernant l'universitarisation des soins infirmiers ne vont pas dans ce sens.

  • Le master de kinésithérapie suite à une pratique avancée

Une pratique avancée c’est quoi ? C’est une forme de « spécialisation », certains parlent même de « nouveau métier ». Disons que la pratique avancée accorde de nouvelles prérogatives. Il est très difficile de se placer car les discussions autours de ces pratiques avancées ne font que débuter. Ce sont les soins infirmiers qui ouvrent le bal et qui essuient les plâtres. Pour vous donner une idée, on parle de consultations propres, de suivi de patients chroniques et même de prescriptions.

Le but de la pratique avancée est de réduire le nombre de consultations tant à l’hôpital qu’en ville. Cela s’inscrit commune forme de délégation de compétences. Il faudra attendre la fin des débats pour savoir si il y existe une réelle avancée pour les soins infirmiers ou si comme souvent cela n’est qu’un effet d’annonce assez opportuniste.

Les décrets sur le diplôme d'état infirmier en pratique avancée reconnu grade master est paru ce jour au journal officiel (à lire ici) et le descriptif de cette nouvelle profession est à lire ici.

Le fait est que qui dit nouvelles compétences dit valorisation universitaire. Et la pratique avancée pourrait donner l’obtention d’un master. On parle déjà du master PAI pour Pratique Avancée en soins Infirmiers, peut être par analogie aurons nous le master PAK ou PAMK pour master de Pratique avancée en masso-kinésithérapie… Les vraies questions étant, en combien de temps et pour quelles pratiques ?

 

La réalité des faits

Madame la ministre de la santé l’avait annoncé aux infirmières, et c'est maintenant un fait, le grade master leur est donné suite à une pratique avancée.

Il y a toutes les raisons de croire que nous aurons notre master associé à une pratique avancée en masso-kinésithérapie (PAMK).

Il faudra donc refaire à minima un équivalent de 60 ECTS pour obtenir ce fameux master.

Si vous comptez bien, il faudra donc s’acquitter d’une année de PACES (60 ECTS), 4 années de formation (240 ECTS) et certainement 1 année de PAMK (60 ECTS).

Il faudra donc 6 ans pour obtenir le grade master et 60+240+60 ECTS soit 360 ECTS pour une reconnaissance à 300 ECTS ! Tout en espérant que la pratique avancée ne se fasse qu'en 1 an !

Peut être même qu’avec un peu de « chance » nous allons obliger les français à faire 6 années d’études pour obtenir le master et reconnaitre les master européens directement après leur 5 années d’études, un comble.

Et toutes celles et ceux qui s’attendaient à une validation des acquis par l’expérience pourraient bien être de la déconvenue…

 

La date du 05/07

Si certains sont encore dans l’euphorie de la magnificence manifestation qui n’a servi à rien (à lire ici), ils ont certainement omis de lire entre les lignes.

En effet le 5 juillet, madame la ministre de la santé était à Caen avec madame la ministre de l’enseignement supérieur pour faire une grande annonce.

Le concours infirmier est supprimé. La filière sera éligible via « parcoursup ». Voilà donc une minirévolution. Pourquoi donc ?

Tout d’abord parce que nos monstres ont clairement indiqué que de facto, la formation serait bel ét bien de niveau « licence ». Confirmant ainsi que le master en soins infirmiers ne se ferait que via une pratique avancée.

En supprimant le concours, la prépa et en évitant la filière du PACES, nos ministres ont résolu le problème. Les infirmier(e)s devraient donc bénéficier de 180 ECTS auxquels il sera possible d’adjoindre une pratique avancée de 120 ECTS pour arriver au grade master et 300 ECTS.

Un master en 5 ans bien sur.

 

Pourquoi une telle différence ?

La question est entière, effectivement. Pourquoi ferions nous un PACES avec un concours, 240+60 ECTS, 5 année de formation pour une reconnaissance de grade licence, alors que les infirmier(e)s vont faire une intégration via parcoursup pas de concours, 300 ECTS un grade master ?

Il y a là deux poids, deux mesures.

La vraie question qui me vient à l’esprit est « ne serait-il pas intéressant de copier le système infirmier » ?

Je n’ai pas la réponse. Mais vu que le grade master de masso-kinésithérapie en 5 ans semble coûter trop cher au législateur, je me pose sérieusement cette question...

 

L’échec de la réingénierie

La magnifique réingénierie du diplôme d’état a amené à une équation simple. Avant nous avions 3 années d’études post-bac pour obtenir un diplôme d’état. Aujourd’hui nous en sommes à 1 années de PACES, 4 années de formation, soit 5 années pour… Obtenir un diplôme d’état.

Pour faire simple, avant 3 ans, maintenant 5 ans, et pour la même chose… Cherchez l’erreur.

Ma proposition est simple. Revenons à 3 années de formation. N’ayons pas peur de dire tout haut ce qui se dit tout bas, à savoir que la 4e année est remplie par du vide et qu’il n’y a eu aucun contenus supplémentaire réellement ajouté.

J’ai bien compris que le rapport de force entre le nombre de présenté et le nombre de reçu n’a aucune commune mesure entre les infirmier(e)s et les kinésithérapeutes, d’où « l’lintérêt » du PACES.

Il peut donc être intelligent de revenir à un format de 3 années de formation, suivant le PACES et et précédant une année de pratique avancée.

Ainsi nous ferions 1 année de PACES, 3 années pour l’obtention du diplôme d’état et une année de PAMK soit 5 années au total pour obtenir un master. Voilà qui serait cohérent !

Ainsi presque tout le monde serait content. Au terme de 5 années, nous obtenons le grade master. Pour l’état le kinésithérapeute qui ne souhaite pas faire de pratique avancée, reste au grade licence et ne lui coute pas plus cher…

 

Conclusion

Dans les hautes sphères, le silence est de mise, même si certains se montrent « confiants »…

Bien que les tractations avancent, nous n’avons pas la moindre information transpirant de ce dossier.

Est-ce inquiétant ou non ? Je ne le sais pas.

Ce que je peux vous annoncer c’est que le grade master, nous l’aurons… Par quel biais ? Un vrai master de masso-kinésithérapie que tous les étudiants auraient en sortie de formation ? Peut-on espérer des VAE ? Ou serait-ce un master avec pratique avancée en 6 ou pire 7 ans ? Ou encore un master d’une autre filière qui serait simplement accessible aux kinésithérapeutes, tel que cela existe déjà ?

J’ai bien peur que nous ne soyons obligés d’effectuer 6 ou 7 années ‘études pour avoir la même chose que nos confrères européens qui le font en 5 ans.

 

Vincent Jallu